UN ENFANT DU QUERCY
A ACCOMPAGNÉ PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA
A SA DERNIERE DEMEURE.

   
 


C’était à Brazzaville, les 2 et 3 octobre derniers, sur les rives du fleuve Congo qu’il avait tant aimé, et où il prit pied en 1880 après avoir conclu avec le roi des Téké, un traité liant le Congo à la France.

Le père fondateur de Brazzaville est né le 25 janvier 1852 à Castel-Gandolfo en Italie. Il est le septième fils d’une famille de douze enfants. Protégé par le futur ministre de la Marine, l’amiral Eugène de Montaignac, il prépare à Paris, au collège Sainte-Geneviève, le concours d’entrée à Navale, où il est admis à titre étranger en décembre 1868.

Après avoir effectué une première mission en terre africaine en 1874, à l’intérieur du continent, pour le compte de la France, dont il obtient la nationalité en 1871, il part, le 3 novembre 1875, à la découverte des rives du fleuve Ogoué. Exténué et atteint par la maladie, il doit rebrousser chemin.

L’expédition de 1879 sera la bonne. Au cours de sa nouvelle remontée de l’Ogoué, « l’explorateur aux pieds nus » obtient qu’un traité de protectorat soit signé avec le Makoko Ilo Ier, cédant à la France « son territoire et ses droits héréditaires de suprématie. »  Le 30 novembre 1882, une loi autorisant la ratification du traité est votée par les Chambres. Trois mois plus tard, l’Acte général de la Conférence de Berlin reconnaît les droits de la France sur le Congo.

En ce mois de novembre, l’explorateur est nommé commissaire général du gouvernement du Congo français, fonction qu’il occupera jusqu’en 1897. Critiqué dans son rôle d’administrateur de la colonie, il est mis en disponibilité en 1898, avant de démissionner quelques années après, puis d’être de nouveau rappelé pour une mission d’inspection.

Alors qu’il revient à Paris, Brazza meurt pendant son voyage à Dakar, le 14 septembre 1905. Sa femme, croyant à un empoisonnement, refuse qu’il soit inhumé au Panthéon. En fin de compte, il sera enterré à Alger, au cimetière Bru.

« Sa mission est pure de sang humain. », rappelle l’épitaphe gravée sur sa tombe. Il fut, en effet, un homme singulier, qui donna tout au Congo et d’abord sa fortune familiale. ( « Vendu pour l’Afrique et pour Pierre », note sa sœur en cédant ses appartements de Rome.

Il libère les esclaves, il s’intéresse aux « mentalités » des populations locales. Il met en garde ses contemporains : « N’oubliez pas que vous êtes l’intrus qu’on n’a pas appelé ».

Certes, il n’en reste pas moins que Brazza l’humaniste a illustré une aventure ambiguë. Mais les temps étaient autres et l’expansion coloniale paraissait naturelle, sauf pour quelques esprits d’avant-garde. L’Afrique équatoriale en convient, et sans rancune permet à Pierre Savorgnan de Brazza de voir exaucée l’une de ses dernières volontés : « Il faut que cette terre d’Afrique ait finalement ma vie ! »

Ma vie « et ma légende », aurait-il pu ajouter. C’était clair à Brazzaville ces 2 et 3 octobre, lors de la messe d’action de grâces célébrée en la cathédrale du Sacré-Cœur, lors de la soirée culturelle sur l’esplanade de l’hôtel de ville, lors de la cérémonie d’inauguration du mémorial et du dépôt des restes mortels.

Brazza n’était plus tout à fait l’un d’entre nous. L’Histoire l’avait purifié. Effacées ses faiblesses et ses insuffisances ! Oubliées les controverses qu’il avait pu susciter ! Seule brillait son étoile dans le rougeoiement du ciel congolais et dans le Panthéon des fils vénérés d’Afrique.

Oui, à ce moment précis, les propos prononcés par Charles de Gaulle le 24 janvier 1944 pouvaient de nouveau résonner : « Aucun des pionniers de l’Afrique ne fut plus humain que Brazza. Aucun ne sut conquérir une amitié plus sincère de la part des populations. »

Il faisait bon, pour le secrétaire perpétuel de notre Académie d’être à Brazzaville cette nuit-là. 

 

Edmond Jouve, secrétaire perpétuel de l'Académie des arts, lettres et sciences de Languedoc