Lorsqu’on cherche une documentation sur les personnages marquants d’un lieu ou d’une époque, on ne trouve guère que des hommes célèbres ! Pourtant, petit à petit, des amies et relations m’ont aidée et je les en remercie.
Par ordre chronologique commençons par Jeanne de Montal, qui vécut au XVIe siècle. Fille de Robert de Balsac d’Entraygues, elle entreprit en 1523 la construction du château de Montal ( près de Saint-Céré) et surveilla en véritable maître d’œuvre l’avancement des travaux. Elle voulait que ce château soit un monument à la gloire de sa famille. A l’étage, en médaillon, elle fit représenter les bustes de son père, de son mari, de ses fils et de son gendre. L’un des fils fut tué au cours d’une des campagnes d’Italie dans les armées de François Ier. Elle mourut peu après de désespoir.
C’est en 1641 que naquit à Montpézat Françoise de Boissy, de parents occupant une très importante situation à Cahors. Son père, procureur du roi, lui légua un nom universellement respecté et elle sut y ajouter une vie tout éclatante de mérite. Elle se distingua par les dons de l’intelligence et la pratique de la piété. Animée par une vocation innée pour l’enseignement, elle décida de se vouer à l’éducation des jeunes filles pauvres de Cahors. Elle imprima une nouvelle impulsion à la Congrégation des écoles chrétiennes, connues dans le Quercy sous le nom de Mirepoises. Elle en fut nommée supérieure générale et elle exerça cette fonction jusqu’en 1747 (il faut signaler qu’en 1830 il existait encore une de ces institutions à Gourdon). Quelques-unes des lettres qu’elle écrivit feraient d’elle une émule de Mme de Sévigné. Sa sépulture ayant été violée en 1793, une nouvelle cérémonie fut organisée sur le parvis de l’église Saint-Barthélemy de Cahors.
A Cahors en 1722 naquit Anne Besse, dite Anneton de Poupon. Éprise de plaisir et de dissipation, c’est au monde qu’elle consacra sa jeunesse. Elle possédait en effet tous les dons capables de lui semer des fleurs sur ce chemin attrayant et dangereux. Or, un jour qu’elle se rendait au bal avec des compagnes, passant devant la porte d’un temple, elle se sentit frappée comme d’un coup de foudre. Interdite, elle s’arrêta et demanda à ses amies de poursuivre leur route sans elle. Elle se rendait compte, soudain, que ce monde qui lui paraissait plein d’éclat, de bonheur et de charme n’était en réalité que vanités et mensonges. Elle prit aussitôt la décision de l’abandonner sans retour. Elle se dépouilla de ses habits de fête, déchira ce qui n’était plus pour elle que vains ornements, affirmant ne vouloir plus désormais pour parure que l’amour de Dieu. Afin de réparer les scandales de sa vie passée, elle se donna pour mission de moraliser la vie de ses semblables. Couturière de son état, elle forma à son métier un grand nombre de jeunes filles, à qui elle inspirait l’attrait de l’innocence. Elle mourut à Cahors en 1802, laissant un nom aussi modeste que vénéré.
Marguerite Albouys vécut de 1745 à 1822. Née à Cahors, elle mourut à Nevers dans le couvent des sœurs de la Charité. Dès sa prime jeunesse, elle exprima le désir de se consacrer à Dieu. Maîtresse de novices, sa douceur et son affabilité la faisaient chérir des jeunes sœurs. Responsable de l’hôpital d’Aigueperse en Auvergne, les événements révolutionnaires l’obligèrent à se retirer dans sa famille, puis elle fut arrêtée et passa huit mois dans les geôles. Elle était particulièrement douée pour la parole. Sa conversation la rendait éminemment intéressante et persuasive. C’est ainsi qu’elle put s’opposer à un projet de Napoléon. Celui-ci, dans sa détermination à soumettre toutes les institutions à sa politique, avait fait convoquer les sœurs de plusieurs ordres en assemblée générale. Le but était de réunir toutes les congrégations en une compagnie unique, soumise au ministre de la Guerre ! Marguerite Albouys défendit avec une telle éloquence la cause des institutions que le projet avorta. Une femme humble et modeste avait ainsi déjoué les plans de celui à qui tant de rois ne savaient qu’obéir !
Les autres femmes célèbres dont j’ai pu découvrir l’activité sont beaucoup plus récentes. Elles appartiennent au XXe siècle. Tout d’abord Edmée Larnaudie. Née avec le siècle à Saint-Pierre-Toirac, elle mourut il y a deux ans. Artiste peintre, elle reçut le second Grand Prix de Rome en 1935. Dans sa recherche, et en particulier dans les couleurs, elle faisait preuve d’une grande originalité poétique. Elle peignit de grandes fresques pour des bâtiments publics de Bordeaux et de Paris. Puis son style évolua vers l’art moderne. Elle réalisa de belles œuvres sculpturales, notamment en bois. Dans son atelier parisien de la place de Furstenberg elle recevait des artistes célèbres, peintres, sculpteurs, architectes. Elle aimait soutenir les jeunes peintres, qu’elle aidait de ses conseils et de son crédit dans les milieux artistiques.
En cet anniversaire de la Libération, il me semble opportun de rappeler le souvenir d’Antoinette Buffières, dont certains habitants de Gourdon doivent conserver la mémoire. Antoinette Buffières faisait partie du groupe de Résistance Vény de Gourdon. Arrêtée une première fois par les Allemands, elle est brutalement frappée et interrogée sur les maquis du Lot. Elle reste stoïque sous les coups et se tait. Relâchée, elle sera de nouveau arrêtée, menacée : elle se tait toujours. Les Allemands la promènent dans la ville et dans la campagne, comptant sur un moment de faiblesse. Obstinée et dédaigneuse, elle ne desserre toujours pas les dents. Elle sera abattue le 27 juin 1944 d’une balle dans la nuque, dans le bois de Prouilhac.
Enfin, l’une des femmes qui ont fait honneur à leur région est Denise Missa, épouse Tourillon. Née le 28 mars 1923, fille d’artiste peintre et petite-fille de musicien du côté paternel, elle est du côté maternel de souche lotoise habitant Laroque-Toirac. Elle fit ses études au lycée Clément-Marot de Cahors et passa une licence de lettres à Paris. Poète de talent, elle publia sept recueils de poésie et obtint de nombreuses distinctions, entre autres : en 1933, médaille d’or au concours européen de poésie (médaille remise par Paul Guth) ; en 2002, deuxième Prix (sur 906 candidats !) au concours international de la Poésie francophone (remis à Paris salle Gaveau) ; en 2004, le 3 mai, Prix de la fondation Fayolle aux Jeux Floraux de Toulouse (remis salle des Illustres).
Le département du Lot peut se flatter d’avoir conquis d’autres personnages féminins, comme Marie Reynoard, professeur agrégée de lettres au lycée de Cahors, résistante dénoncée, arrêtée en avril 1943, déportée à Ravensbruck et décédée de la morsure d’un chien lancé sur elle par les SS. Citons également la reine de Danemark, Margrieth, qui épousa un Lotois et passe ses vacances au château de Caix.
Enfin, ayons une pensée affectueuse pour Françoise Sagan, née à Cajarc, à qui notre secrétaire perpétuel a voulu consacrer l’éditorial de ce Cahier.
Suzanne ODIN, fauteuil n° 50 de l'Académie des arts, lettres et sciences de Languedoc.
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