CAHIERS

DE L’ ACADÉMIE DES ARTS LETTRES ET SCIENCES

DE LANGUEDOC

 

NOUVELLE SÉRIE, numéro 15, ANNÉE 2008

 

Sommaire

Éditorial du Secrétaire perpétuel : Figure du Quercy, page 2

Lettre de la Présidente au nouveau maire de Toulouse et réponse, page 3

La séance académique de Printemps, page 4

Les Prix littéraires 2008, page 5

Les nouveaux académiciens, page 8

Installations de M. le Professeur Didier Paul, page 8

de M. Gérard Brignol, page 10

de M. Pierre de Panafieu, page 13

Photos de Geneviève Guitard.

Lettre de la Présidente au Président du Sénat, page 16

Nouvelles des Académiciens, page 16

Pierre Mirat nous a quittés, page 16

Distinction, page 17

Publications, page 17

Ouverture d’un centre de ressources occitanes, page 18

Occitanie et Francophonie, page 18

 

Cahiers de l’Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc.

Abonnement pour trois numéros : 17 € (à verser au trésorier de l’Académie). Prix au numéro : 4 €.

Secrétaire perpétuel : Edmond Jouve.

Responsable de la publication : Simone Tauziède, présidente, directeur-gérant.

Siège social : Centre des Provinces françaises, 2, rue Achille-Luchaire, 75014 Paris.

Site internet : http://acad.languedoc.free.fr/     Adresse courriel : acad.languedoc@gmail.com

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Éditorial : Figure du Quercy.

 

L’éditorial des Cahiers 13 et 14 a mis à l’honneur des figures représentatives de gens de chez nous. Nous avons pensé compléter cette galerie de portraits en publiant un beau texte préparé par notre Secrétaire perpétuel à l’occasion du décès de sa mère.

 

Avec un sens de l’humour qui lui était propre, ma mère me disait quelques mois avant sa mort : « Toi qui fais des discours pour tout le monde, tu pourrais bien en faire un pour moi ». Le jour est venu, ce texte, je l’ai fait pour elle.

Quand je m’interroge sur le sens de sa longue vie (elle serait entrée, cette année 2008, dans sa centième année), il me semble que trois mots peuvent la caractériser : labeur, service, disponibilité.

Sa vie a d’abord été marquée par le labeur et les difficultés. Née en 1909, elle a perdu sa mère à l’âge de seize ans, sa mère qui en avait alors quarante-neuf. Quatre ans plus tard, c’est son père qui disparaît ; elle avait tout juste vingt ans. Il fallut faire face. Elle ne ménagera pas sa peine : petite fille Courage, panière au bras, elle vendra des cabecous ; elle sera garde-malade (pour paiement elle dormira dans des draps blancs et elle déjeunera avec du Banania) ; elle sera même sonneuse de cloches, dont elle savait apprivoiser les voix !

Au Barry, où elle était née, elle était entourée par des personnages truculents et colorés que j’ai l’impression de connaître depuis toujours : la Titon, qui l’initia aux choses de la vie, Jeantounè, qui mourut en passant à travers son plancher, les Tocaven et leurs filles, qui vivaient au milieu des bois… Tout ce petit monde s’observait, se moquait, mais aussi entourait de respect les notables du lieu, et d’abord monsieur Soulié, qui enseignait à Souillac. Il y avait aussi les restaurateurs, et surtout « madame Lalande », que ma mère allait voir de temps à autre et qui la régalait avec une terrine de graillons.

Elle était remplie de finesse, courageuse et jolie. C’est pourquoi Marcel Jouve la remarquera. Son père à elle n’y crut pas au début : « Ils ne te voudront pas, on n’est pas assez riche. »  

Mais si ! Maman possédait la richesse du cœur, la noblesse des sentiments et elle les mettra sans compter au service de la famille. Elle nous a tous aidés à aller de l’avant. Nous lui en avons toujours été profondément reconnaissants.

Elle a été aussi une citoyenne exemplaire. A trente-six ans, elle a été la première femme élue au conseil municipal de Nadaillac, suite à l’ordonnance du 21 août 1944 et aux élections du 29 avril 1945. D’où le drapeau de la République qui monte la garde auprès d’elle.  

« Il faut prendre la vie comme elle vient », aimait-elle dire. Elle en avait accepté les rudesses et les sacrifices. Elle recevra avec bonheur les bienfaits dont elle la comblera. Elle sera heureuse que sa maison et sa propriété se modernisent. Elle découvrira la France avec enthousiasme : Paris, Bordeaux, les Alpes, la Bretagne, Lourdes… Elle s’aventurera au Luxembourg, en Espagne… Et à Rome, où elle aura l’honneur d’assister, le 1er octobre 1995, à la béatification de notre ancêtre Antoine Auriel-Constant. Et c’est à cette occasion, à quatre-vingt-six ans, qu’elle aura son baptême de l’air !

Au fil des colloques et des rencontres, elle fera connaissance, le plus naturellement du monde, avec les plus grands. Ne montera-t-elle pas, le 19 décembre 1994, le grand escalier de l’Élysée, où elle saluera le président Mitterrand. La petite sauvageonne au grand cœur devenait à l’occasion une grande dame !

Mais sa simplicité demeurait intacte, et totale sa disponibilité pour sa famille. Ses trois enfants, ses huit petits-enfants, ses quatorze arrière-petits-enfants et toute sa famille sont profondément heureux d’en témoigner.

Chère Maman, continue à nous bénir.

Edmond Jouve.

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LETTRE DE LA PRÉSIDENTE
AU
NOUVEAU MAIRE DE TOULOUSE.

 

 Au lendemain des élections municipales, la présidente Simone Tauziède a adressé au nouveau maire de Toulouse, M. Pierre Cohen, ses compliments et ses vœux.

 

 

Paris, 27 mars 2008.

                        Monsieur le Député-Maire,

 

Vous n’ignorez pas que Paris s’honore d’accueillir plusieurs associations toulousaines ou d’amis de Toulouse, possédant chacune leurs particularités. C’est au nom d’une de ces compagnies, lien permanent entre la capitale et le pays d’oc, qui, depuis sa fondation en 1964, a fixé statutairement son siège social à Paris, qu’à la suite des récentes élections, j’ai été mandatée par son comité directeur pour vous présenter ainsi qu’à votre conseil municipal nos félicitations et nos vœux.

 

Nous aurons l’occasion de vous adresser régulièrement nos Cahiers de l’Académie, dans lesquels, si vous le souhaitez, nous aurons le plaisir de publier les informations que vous voudrez bien nous faire communiquer.

 

En attendant d’avoir la faveur de faire votre connaissance, je vous prie, Monsieur le Député-Maire, d’agréer l’assurance de notre très cordiale considération

Simone Tauziède.

 

 

Le maire de Toulouse a répondu en ces termes :

 

Toulouse, le 17 avril 2008

 

Madame la Présidente,

 

Vous m’avez écrit un courrier très aimable à la suite de mon élection en tant que Maire de Toulouse et je vous en remercie bien sincèrement.

 

Vous m’indiquez que vous aurez l’occasion de m’adresser régulièrement les Cahiers de l’Académie et je suis touché de cette démarche.

 

Bien évidemment, je souhaite plein succès à votre association ainsi qu’à celles qui représentent les Toulousains et Amis de Toulouse à Paris.

 

Pour ce qui concerne une éventuelle publication d’informations, j’ai transmis une copie de notre correspondance à Jean-François Portarrieu, directeur de la Communication, qui pourra être votre interlocuteur à ce sujet.

 

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma considération distinguée

[manuscrit:] Cordialement,

 

 Pierre Cohen.

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SÉANCE ACADÉMIQUE DE PRINTEMPS

 

La séance académique de printemps s’est déroulée le vendredi 6 juin 2008, comme d’accoutumée dans les salles et les salons du palais du Luxembourg mis à notre disposition par le Sénat. Elle comportait, selon la tradition, la proclamation du palmarès des Prix littéraires 2008 et l’installation des académiciens nouvellement élus.

            Elle était placée sous la présidence du professeur Jean de Vigerie, dont la présence fut accueillie par M. Paul de Saint-Palais.  

 

« Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire perpétuel, mes chers confrères, Mesdames, Messieurs, j’ai le grand honneur et le plaisir d’accueillir M. le Professeur Jean de Vigerie, qui va présider notre séance de ce soir. L’honneur car c’est un historien de grand talent. Le plaisir car c’est mon cousin.

Dans la dédicace que vous nous fîtes pour un de vos ouvrages, vous rappelez, mon cher Jean, une phrase de Fustel de Coulanges que je cite : « Heureusement le passé ne meurt jamais complètement. L’homme peut bien l’oublier, il le garde toujours en lui. »

Certes, mais il est nécessaire de le réveiller, j’oserais même dire le ressusciter. C’est là le mérite des historiens tels que vous de remettre au jour ces richesses qui, quoi qu’on dise, conditionnent notre avenir et, pour vous en particulier, cette période de l’histoire, XVIe-XVIIIe siècles, qui vous est chère et dont vous démêlez pour nous le fil particulièrement embrouillé dans le bouillonnement des idées et des faits.

Mais qui êtes-vous ?

Toulousaine depuis la fin du XVe siècle, la famille de Viguerie a donné cinq capitouls et trois conseillers au Parlement. Les membres de la famille se faisaient inhumer aux Jacobins. Une plaque apposée dans cette église indique leurs noms et le lieu de leur sépulture Né à Rome, vous avez en partie fait vos études primaires et supérieures à Toulouse, où, en classe de philosophie, vous avez eu le professeur Louis Jugnet, qui est resté pour vous un maître à penser. Agrégé d’histoire, docteur ès lettres, vous avez enseigné aux Universités d’Angers, dont vous avez été le doyen de la faculté des lettres, de Lille, de Paris IV et Paris X. Vous avez été membre du comité du Bicentenaire de la Révolution française, président de la Société française d’histoire des idées et d’histoire religieuse, vous avez organisé à ce titre les rencontres d’Histoire religieuse de Fontevraud. Vous êtes maintenant professeur émérite des Universités et mainteneur de l’académie des Jeux floraux de Toulouse.

Vos œuvres :

Treize ouvrages historiques. Une œuvre d’éducation sous l’ancien régime : les Pères de la doctrine chrétienne en France et en Italie (1592-1792), ouvrage couronné par l’Académie française, Prix Marcellin Guérin.- L’Institution des enfants : l’éducation en France, XVIe–XVIIIe siècles .- Notre-Dame des Ardillers à Saumur : le pèlerinage de Loire.- Christianisme et Révolution : cinq leçons d’histoire de la Révolution française, Prix Renaissance 1987.- Le Catholicisme des Français dans l’ancienne France.- Histoire et dictionnaire du temps des Lumières.- Les deux Patries, essai historique sur l’idée de patrie en France, Prix des intellectuels indépendants, 1998.- Itinéraire d’un historien : études sur une crise de l’intelligence.- L’Église et l’éducation.- La France : le Siècle des Lumières.- Louis XVI, le roi bienfaisant, Prix Hugues-Capet 2003.- Filles des Lumières : femmes et sociétés d’esprit à Paris au XVIIIe siècle.- Contribution au Livre noir de la Révolution française. 

Plus de 150 articles de revues, journaux et magazines. Vous donnez enfin de très nombreuses conférences.

Pour terminer, je citerai deux anecdotes tirées de votre ouvrage Itinéraire d’un historien, qui montrent la difficulté pour un historien de rester objectif et impartial. En 1986 vous fûtes convié au XIIIe colloque de l’Institut de recherches sur les civilisations de l’Occident moderne, pour y traiter de « la tolérance à l’ère des Lumières ». L’orateur qui vous succéda déplora votre fanatisme et votre peu d’intelligence des Lumières, et dans le texte publié il résuma ainsi ses propos agressifs : « Un point sujet à contestation est le lien que vous établissez tout normalement entre la philosophie des Lumières et la Révolution : c’est une thèse ancienne, et j’ai cru à certains moments lorsque vous l’exposiez avoir affaire à Joseph de Maistre ! »

Deux ans plus tard, en conférence publique, vous traitiez des « idées politiques de Louis XVI », devant un public de culture moyenne et bien pensant. Dans cette étude vous expliquiez que le roi Louis XVI, partageant certaines des idées révolutionnaires, ne pouvait de ce fait s’opposer la révolution. On cria au blasphème !

Je vous remercie de votre attention. »

 

M. de Viguerie répondit avec infiniment d’esprit, faisant en particulier allusion aux anecdotes citées par M. de Saint-Palais, en décrivant les affres, les doutes, les scrupules qui assaillent le conférencier dans les heures qui précèdent l’exécution !

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PALMARÈS DES PRIX LITTÉRAIRES 2008

 

 

Prix Prosper-Estieu. Ce Prix, un des plus anciens créés par l’Académie, rend hommage au fondateur de l’Escola occitana. Il est attribué cette année à la revue Quercy-Recherche. Cette revue, consacrée au Patrimoine du Lot, est publiée, avec le concours du Conseil général, par l’association Quercy-Recherche, basée à Labastide-Murat.


 

Prix Enric-Mouly. Ce Prix, qui rend hommage au félibre Henri Mouly, chantre en particulier des vertus familiales, est décerné à l’ouvrage de Mme Marie-Loup Sougez, Pitou, album de famille. Ce livre est un recueil de photographies dues au génial photographe Emmanuel Sougez, l’un des plus grands photographes français. C’est lui qui créa en 1926 puis dirigea le service photo de L’Illustration, où il était devenu pour les confrères du monde entier, le « Monsieur de Référence », et qui forma toute une génération d’artistes, dont Cartier-Bresson et Robert Doisneau. L’ouvrage est rédigé en espagnol et édité par Les Presses Universitaires de Saragosse, dont nous sommes heureux d’accueillir M. le directeur et Mme la secrétaire d’édition.         


Prix Pierre-Benoit. Ce Prix, qui rappelle la mémoire du célèbre écrivain lotois, est décerné à Mme Paulette Decraene pour son livre Secrétariat particulier, paru aux éditions de L’Archipel. Toute la presse a rendu compte de cet ouvrage, consacré à la vie, à l’œuvre et à la pensée de François Mitterrand, et l’émission, diffusée à deux reprises, de Laurent Ruquier a contribué à assurer au livre la belle notoriété qu’il mérite.         


Mme Decraene rend compte, dans une langue d’une exceptionnelle qualité, des vingt-sept années qu’elle a passées auprès d’un homme de pouvoir et de secret, à qui, elle ne le cache pas, elle voue une fidèle et discrète admiration. Mme Decraene a été rédactrice en chef de L’Afrique littéraire et artistique et responsable de la « Société africaine d’édi-tion ». Chargée à l’époque de mission pour la francophonie à l’Élysée, elle sera nommée à l’inspection générale au minis-tère des Affaires culturelles. Aujourd’hui, elle est membre du conseil d’administration de « France terre d’asile ». Elle est conseillère municipale dans une petite commune de Dordogne.


          Le Grand Prix du Jury

a été attribué à Mme Françoise Auricoste pour l’ensemble de son œuvre, une œuvre tout entière vouée au Quercy, à ses fils et à ses filles (elle est l’auteur d’une remarquable Histoire des Femmes quercynoises) et à son histoire : parmi plusieurs monographies, celle consacrée au pays de Cazals s’est vu honorer du Prix Secondat, décerné par la Direction des Archives et le Conseil général de Dordogne


            Enfin, le Grand Prix de l’Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc a été décerné au professeur Pascal Hammel pour son livre Guérir et mieux soigner, paru aux éditions Fayard. Ce livre est un chef-d’œuvre d’humanisme ; sa lecture est une cure d’espoir. L’auteur, gastro-entérologue, est spécialisé dans les traitements des cancers de l’appareil digestif. Or, comme on l’a écrit, « la blouse blanche ne protège pas du cancer ». Le professeur Hammel, à quarante-cinq ans, en a fait l’implacable expérience. Il est sorti triomphant de cette épreuve quotidienne, qu’il a voulu décrire, jour après jour, calmement, sans pathos, parfois même avec humour. Mais en même temps une épreuve combien enrichissante pour le praticien qui, désormais, parce qu’il a souffert, parce qu’il a été guéri, se sent prêt à mieux comprendre, à mieux accompagner et à mieux soigner. Ce journal de combat, de combat gagné, ne pourra qu’apporter un soutien à ceux qui assistent un proche dans la douleur et dans l’espérance. Je vous en lis la dernière page.

« Vivre, c’est être généreux et mettre toute son énergie au service de ses rêves, de ses projets, de ses choix de vie et c’est partager ce qu’on peut donner et faire oeuvre d’ingérence partout où nous croisons une quelconque forme de souffrance. Vivre, c’est ne pas laisser le découragement envahir son esprit, du moins jamais plus de vingt-quatre heures. Je veux redire que la vie dépasse tout, efface les grandes douleurs et mérite qu’on la célèbre à toute heure. J’ai eu le bonheur d’enfiler de nouveau la blouse blanche. Écrire ce livre dans le silence des nuits fut une belle expérience pour moi, mais je serai quand même plus utile dans mon rôle de médecin. Guérir pour soigner mieux. »   

 


        Le professeur Pascal Hammel



 

Médaille Goudouli. La Médaille Goudouli, qui rappelle le nom du grand poète occitan, l’un des plus grands poètes français du XVIIe siècle, a été attribuée à l’enregistrement de textes de deux poètes, Natalis Cordat et Nicolas Saboly, contemporains de Goudouli, mis par eux-mêmes en musique sur des chansons du folklore. Le disque a pour titre Noël baroque en Pays d’oc. Il est interprété, sous la direction de Bruno Bonhoure [notre photo], par les solistes, l’ensemble vocal et orchestral baroque de La Camera delle lacrime. C’est une production des éditions Alpha, avec le concours de la Fondation Orange. Le disque est accompagné d’une brochure très documentée, qui présente les textes enregistrés avec leur traduction en français et en anglais. Un beau cadeau à offrir pour les fêtes de fin d’année.

                                                                                                 Georges Hacquard

                                                                                    Secrétaire général

Les diplômes et la médaille décernés sont l’œuvre de Jacques Lagarde.

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LES NOUVEAUX ACADÉMICIENS

 

 

Installation du professeur Didier Paul.

 

 

Présentation par M. Gui Portal.

 

« Madame la Présidente, monsieur le Secrétaire perpétuel, chers confrères, mesdames, messieurs, je vais me permettre de vous présenter notre nouvel académicien, le professeur Didier Paul, en le tutoyant. C’est un de mes anciens élèves à l’université Paul-Sabatier de Toulouse et un de mes anciens collaborateurs au commissariat à l’Énergie atomique. Nous nous connaissons depuis trop longtemps pour que je fasse semblant de le vouvoyer aujourd’hui.

Cher Didier, tu es bien un Languedocien, puisque tu es né, un 21 octobre 1964, à Limoges, à la limite nord de notre Languedoc. Élève brillant, tu es sorti major de la promotion 1988 du Diplôme approfondi de Physique radiologique et médicale de Toulouse, où j’ai eu l’occasion de t’asséner quelques cours. Tu ne sembles pas m’en avoir tenu rigueur car tu as continué ton cursus dans la même lignée en présentant à l’université de Limoges le doctorat d’université en Physique, puis l’habilitation à diriger des recherches (HDR) dans la spécialité, en 2003. Toute ta carrière a été partagée entre la recherche en matière de Physique radiologique et médicale et l’enseignement universitaire, notamment à l’université de la Méditerranée Aix-Marseille.

Tu es actuellement expert en Radioprotection au commissariat à l’Énergie atomique au centre de recherches nucléaires de Cadarache près d’Aix-en-Provence et tu es directeur de thèse à l’institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire. Tu es également enseignant à l’institut national des Sciences et Techniques nucléaires, où tu as été nommé professeur. Tu as donné des cours en tant que professeur associé à l’université nationale de Colombie et tu reviens d’Amérique latine, où tu es en train d’organiser, avec les Laboratoires associés de Radiophysique et de Dosimétrie, un master en Physique médicale par téléconférence pour la Colombie et le Pérou.

Tu as à ton actif de nombreuses participations à des jurys de thèse, plusieurs présidences de congrès, une soixantaine de publications et de communications dans des congrès internationaux. Tu es co-auteur d’un livre de la collection « Génie atomique » de l’INSTN et d’un cours à l’agence internationale de l’Énergie atomique (AIEA). Tu es le coordinateur d’un numéro spécial de la Revue française de Radioprotection qui vient de paraître.

Tu as une activité associative remarquable. En effet, tu as été président de la section de Protection technique de la Société française de Radioprotection (SFRP) et tu en assures encore la vice-présidence ; tu es co-fondateur, avec un autre de mes anciens élèves, Emmanuel Grimaud, de la FIRAM (association francophone pour le développement et l’utilisation de logiciels de simulation d’interactions Rayonnement Matière), que tu as présidée de 1992 à 1995 ; tu présides actuellement les Laboratoires associés de Radiophysique et de Dosimétrie (LARD), association que je connais fort bien pour l’avoir fondée avec le professeur Daniel Blanc en 1985. Je rappelle à ce sujet que c’est sous ta présidence que cette association a décidé l’année dernière de reprendre les anciens encouragements financiers destinés aux étudiants lauréats de nos Prix scientifiques, ce qui augure fort bien de ton attention à l’égard de notre Académie.

Tu as aussi une activité tout à fait remarquable dans le domaine humanitaire, car tu es à l’origine, sous l’égide de l’ambassadeur de France à Bogota, de la création d’une maison pour enfants atteints de cancer « Luisito » (Albergo Luisito), centre d’accueil que tu soutiens fermement et que tu visites tous les ans lors de tes missions à Bogota. De plus, attendri par la détresse des orphelins de ce pays, tu as ajouté aux deux garçons de ton couple une petite fille, Élise Esperanza, que tu as adoptée en 2001.

Madame la Présidente, monsieur le Secrétaire perpétuel, je viens de vous présenter un nouveau membre de notre Académie. Sa jeunesse jointe à sa valeur et à son grand cœur est garante de la pérennité de notre compagnie et je formule le vœu qu’il soit de ceux qui lui insuffleront un élan toujours renouvelé. »    

 

Réponse du professeur Didier Paul.

 

« Madame la Présidente, monsieur le Secrétaire perpétuel, mesdames et messieurs les académiciens, mesdames et messieurs, je vous remercie à mon tour pour l’honneur que vous me faites dans cette Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc.

Je remercie en particulier Gui Portal et je lui suis spécialement reconnaissant aujourd’hui, car sans lui je ne serais sans doute pas entré au CEA/IPSN en 1992 et invité à vous rejoindre. C’est dire la confiance qu’il m’a toujours accordée et l’attention qu’il a portée à mon curriculum vitae. Je lui suis d’autant plus redevable en tant que président des Laboratoires associés de Radiophysique et de Dosimétrie (les LARD), association créée il y a maintenant vingt-deux ans par les professeurs Daniel Blanc et lui-même, qui m’ont eu tous deux comme étudiant. Ils ont su me transmette leur passion pour la Physique radiologique et médicale, domaine de la science qui a pour devoir le soin technique apporté aux patients par le biais de l’utilisation des rayonnements ionisants.

Je souhaite, dans le cadre de mes fonctions et nominations, continuer à promouvoir cette branche de la physique expérimentale pour le bien de ceux qui souffrent, avec une pensée particulière pour les enfants malades du foyer Luisito à Bogota, traités à l’institut national de Cancérologie en Colombie. Nous avons, mon épouse et moi, aidé et soutenu ce projet, inauguré en 1991, et nous le suivons encore à ce jour (je visite pratiquement le foyer chaque année), avec l’aide de bienfaiteurs français (association « Para las niños » du mouvement international Aide à l’Enfance).

Les LARD, dont l’objectif, dès l’origine, était de fédérer les laboratoires de recherche aptes à contribuer au développement de la Radioprotection des personnes et à celui de la Radiophysique , comptent aujourd’hui seize laboratoires ou institutions membres (ils étaient cinq fondateurs en 1986). Mes deux principales missions (outre la révision des statuts) ont consisté à élargir le domaine d’activités de l’association, vers la Physique médicale et l’enseignement notamment, et à la faire connaître non seulement en Languedoc mais au-delà de nos frontières.

Je ne citerai ici que trois actions menées avec mes collègues : un rapprochement tout d’abord avec la Société française de Physique médicale, dont plusieurs dignes représentants occupent un fauteuil dans cette Académie, une publication commune pour les vingt ans de l’association que j’ai eu le plaisir de vous offrir et enfin la participation à un master international avec l’université nationale de Colombie et l’université nationale d’Ingénierie du Pérou.

Ayant fait une bonne partie de mes études en Languedoc, je n’oublie pas tous ceux qui m’ont accompagné jusqu’à vous et que j’ai le plaisir de retrouver non sans quelque émotion.

Parmi les membres de l’Académie, je citerai Messieurs les professeurs Allisy et Chavaudra, Madame le professeur Isabelle Berry, ainsi que l’ancien président des LARD, le Pr Jean Barthe qui m’a succédé au poste de président de la FIRAM et Monsieur le professeur Jean-Pierre Morucci. J’évoquerai aussi les membres du bureau actuel avec le président des LARD, M. Jack Arnold, chercheur au CNRS et photographe dans l’âme (auteur d’un livre superbe), qui aurait bien voulu être des nôtres aujourd’hui, mais qui est retenu à un congrès en Italie, ainsi que le professeur Michel Terrissol, distingué par le Prix Pasteur que vous lui avez remis en 2007 et qui sera reçu au sein de l’Académie, enfin Régine Gschwind, maître de conférence à l’université de Franche-Comté dans l’équipe du professeur Makovicka, laboratoire très actif dans les actions que j’ai citées précédemment, et je n’oublie pas mon fidèle ami Emmanuel Grimaud, ici présent, avec qui j’ai eu le plaisir de fonder la FIRAM il y a seize ans. Comme l’a remarqué Gui Portal, je crois beaucoup aux associations de compétences et d’intérêts. Mes différents mandats de président m’ont appris que l’union fait effectivement la force. Depuis que je suis associé à vos activités, je constate que votre Académie n’en manque pas et qu’elle met particulièrement en valeur tous les talents en son sein.


 


Si vous me le permettez, mon dernier mot sera pour ma famille, mon épouse ici présente et mes enfants, à qui je dis tout simplement merci pour ce qu’ils sont à mes côtés. Je remercie également mes parents et mon frère aîné, qui nous entourent ce soir avec toute leur affection. J’ai aussi une pensée pour ma belle famille et mon beau-père Alain, décédé en décembre dernier d’un cancer.  

Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire perpétuel, Mesdames et Messieurs les académiciens, mesdames et messieurs, je vous remercie très sincèrement pour votre attention. »

 

 


Installation de M. Gérard Brignol.

 

Présentation par Mme Simone Tauziède.

 

« Cher Gérard Brignol, J’oublierai pour la circonstance le tutoiement et le diminutif Gigi, habituellement et amicalement employé dans nos associations régionalistes en raison de la sympathie qui s’est développée entre nous depuis tant d’années. Vous êtes né à Aspet, petit chef-lieu de canton de la Haute-Garonne, dans ce qui était jadis le Comté de Comminges. Une bourgade paisible, mais par moments quelque peu animée, car c’est un lieu de passage au carrefour des routes de montagne, comme aux limites proches des départements de l’Ariège et des Hautes-Pyrénées. Cette commune s’enorgueillit d’avoir donné au pays un ministre de l’agriculture, Joseph Ruau, un grand aviateur militaire, le général Barès, et un archevêque, Mgr Sourrieu.

Votre grand-père maternel et vos parents faisaient partie de l’enseignement, vous avez vu le jour dans une école où votre première rentrée eut lieu au lendemain de la Libération, ce qui reste un souvenir marquant et vous fait parfois dire plaisamment aux collègues et aux amis que vous vous trouvez depuis plus de soixante années l’intérieur des salles de classe !

Votre adolescence se déroule à Luchon, ville thermale florissante, qui tâche encore de mériter son surnom flatteur de « reine des Pyrénées », et vos études seront accomplies en deux périodes de quatre années au collège Notre-Dame-de-Polignan à Montréjeau, puis au lycée mixe de Saint-Gaudens, jouxtant la sous-préfecture. Attiré par la musique, vous apprenez la guitare dans le premier établissement et la clarinette dans le second ! Vous revenez justement des réunions d’anciens, tenues là-bas dans la même semaine…

Athlète et gymnaste, tout d’abord tourné vers l’éducation physique et sportive, vous devez renoncer à cette voie à la suite d’un problème de santé. Le baccalauréat de philosophie-lettres vous amène à l’ancienne faculté des lettres de Toulouse, dans la section des langues vivantes et du français historique. Afin de poursuivre avec plus d’indépendance pécuniaire, vous acceptez bientôt un poste de surveillant et professeur auxiliaire dans un centre d’enseignement technique et cours complémentaire du Gers voisin.

Les conditions difficiles de l’internat auprès de jeunes souvent défavorisés, ainsi que le désir d’autres horizons vous conduisent vers les services extérieurs du ministère de la Justice pour encadrer l’enfance délinquante, dans ce que l’on appelait alors des centres d’orientation et d’action éducative, à Parie et dans les banlieues proches. Malgré votre bonne volonté, ce métier se révèle trop rude pour y envisager une carrière.

Vous décidez de rester dans la capitale et de reprendre le cycle universitaire à la Sorbonne, dite « nouvelle » depuis les événements de mai 1968. C’est la licence de philosophie, et de nouveau les langues, anglais, espagnol, italien, et surtout portugais, en pleine expansion, qui commence à offrir davantage de débouchés. Un diplôme de maîtrise dans cette dernière spécialité vous permet d’être nommé assistant de français à Lisbonne et d’acquérir l’aisance indispensable pour enseigner la langue portugaise dans les lycées de l’académie de Versailles.

Le développement des cours par correspondance et l’afflux migratoire vous appellent dans ce qui était naguère le télé-enseignement, créé par la célèbre école de Vanves lors du dernier conflit mondial. Vous y exercez, durant de nombreuses années scolaires, à Rouen et à Rennes, comme professeur principal puis « référent », l’activité de correcteur convenant mieux à une mobilité réduite par diverses opérations chirurgicales.

Des nécessités professionnelles et des vacances plus étendues sont pour vous l’occasion de plusieurs voyages, au Portugal et en Espagne, bien sûr, mais, aussi en Italie, au Danemark, en Roumanie et au Moyen Orient. Des échanges pédagogiques sont régulièrement organisés au Brésil, où vous faites aussi plusieurs séjours. Voilà une vingtaine d’années, vous avez épousé Vanja, journaliste carioca établie en France.

La mort prématurée de votre maman, victime de la route, fut une dure épreuve, alors qu’également vous perdiez votre nièce et filleule dans un autre accident de la circulation. Votre père, décédé ces dernières années, était originaire du Lauragais ; il vous a transmis le goût de la culture languedocienne et l’amour de la musique, car il jouait du violon dans un orchestre. Chez vous, cela deviendra une véritable passion : au cours de vos pérégrinations, vous avez réuni près de deux cents instruments à cordes de différentes contrées ! Avec le même enthousiasme, vous avez rejoint le groupe de chants et danses folklorique de L’Ensolelhada, qui poursuit son chemin comme chorale sous la baguette experte du maître Georges Hacquard.

Sur le plan associatif, vous vous êtes efforcé de maintenir, le lien avec la région, dans le grand Midi comme à Paris. Vous avez participé à la création d’un rassemblement des Amis du Comminges, groupe qui va fêter son trente-cinquième anniversaire et dont vous avez été président durant un septennat. Dans votre terroir de montagne, on vous surnomme familièrement « le barde de la vallée d’Oueil ». l’an passé, vous avez été admis à la retraite, mais maintenu sur le centre national d’enseignement à distance pour des impératifs de service.

Je suis particulièrement heureuse de faire aujourd’hui votre éloge, étant donné l’amitié qui vous a uni à mon mari René et celle qui nous unit de longue date, un peu comme une mère et son fils adoptif. Votre objectivité et votre entregent vous ont souvent mis en rapport avec des personnalités éminentes, lors de votre formation et de vos échanges musicaux : le philosophe Vladimir Jankélévitch, qui fut un temps toulousain, et que vous avez retrouvé à la Sorbonne, notre regretté confrère Bernard Blancotte, de même origine provinciale, avec lequel vous partagez une inspiration poétique, Claude Nougaro, dont vous admirez toujours les chansons et avec qui vos rencontres ont été intenses et chaleureuses.

Nous vous reconnaissons dans vos articles pour le bulletin de « Toulouse à Paris », où l’on peut apprécier votre humour encore collégien et qui paraît toujours singulier ! Ce soir, fière de mon rôle de marraine, je participe avec joie à la remise de médaille de notre compagnie académique, en vous félicitant avec toute mon affection. »

 

Réponse de M. Gérard Brignol.

 

« Chère Présidente Simone Tauziède, Messieurs et Dames de Languedoc, mesdames, mesdemoiselles et tous les amis ou sympathisants de l’aimable aréopage ici réuni,

Je ne mesure pas encore la faveur insigne qui m’est accordée, ce beau soir de printemps, avec mon admission dans la société académique, mais je sens déjà un peu de poids sur mes épaules ou dans la médaille qui pend à mon cou, sans parler de ma gorge qui se noue, depuis le temps que j’ai perdu l’habitude de m’exprimer devant un auditoire. Je commence donc par solliciter votre indulgence pour des lourdeurs et maladresses dans des phrases que j’aurai jetées à bâtons rompus, en un ensemble auquel je pourrais donner comme titre « La Chanson du Pays ».

En 1935, Lucien Blaga, poète roumain élu à l’académie nationale, étonna ses confrères et son entourage en faisant l’éloge de son village, plutôt que celui de la personne dont il allait occuper le fauteuil. Pour ma part, je ne voudrais pas passer sous silence le nom de Michel Plasson, promu membre honoris causa de l’Académie, à qui je suis particulièrement honoré de succéder, comme un simple amateur de musique rempli d’admiration pour le chef prestigieux qui dirigea avec brio l’orchestre du Capitole de Toulouse  

Permettez-moi de revenir à mes moutons, c’est-à-dire à ceux des montagnes qui m’ont vu naître, au cœur du Comminges. Le Comminges, qu’es aco ? La vallée d’Oueil, où donc est-elle ? (aoun ei ? dans le dialecte gascon). C’est ce que l’on me demande parfois, depuis que je suis « monté » à Paris (puisque, étrangement, on descend vers ces contrées en altitude !) La réponse est très facile : juste au milieu de la chaîne des Pyrénées et de l’œil de la source (ce que signifie Oueil), d’où l’on distingue à l’œil nu la frontière espagnole.

Avec l’autre pied dans la région languedocienne du Lauragais, si riche d’événements historiques et de traditions, je me sens ainsi profondément enraciné, tête dans les nues de la capitale, c’est logique, et deux jambes étirées jusqu’à ces terroirs agrestes et méridionaux. Rien d’étonnant donc à ce que je procède triangulairement, par quelques triptyques, trilogies ou autres « triphasés » des techniciens qui font passer le courant.

Honneur à la sous-préfecture de Saint-Gaudens, avec sa sculpture massive sur le boulevard de Pyrénées, appelée monument « des trois maréchaux », Foch, Gallieni et Joffre . La petite circonscription compte d’ailleurs trois fois plus de maréchaux et de généraux d’Empire, dont la liste serait trop longue à énumérer.

Voyageons plutôt avec trois poètes.

Sur la route de Luchon, Lamartine écrivit quelques vers pour remercier le groupe qui lui avait donné une sérénade, un soir de 1840 :

J’ai rêvé cette nuit qu’une vague harmonie

Enchantait mon sommeil, charmait mon insomnie.

            On croit entendre au rythme des flots d’un affluent de la Garonne la voix d’Edmond Rostand, murmurant ce quatrain gravé au bas de son buste :

Luchon, ville des eaux courantes

Où mon enfance avait son toit,

L’amour des choses transparentes

Me vient évidemment de toi.

            Quant à la médaille d’amour de la muse qui devint son épouse, la délicate Rosemonde Gérard, elle a fait le tour du monde :

Car, vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,

Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.

            Transportons-nous maintenant sur les versants de la montagne Noire, autour de Revel et de Saint-Félix-de-Caraman devenu Lauragais, pour évoquer les figures de Guillaume de Nogaret, conseiller de Philippe IV le Bel, du président de la République Vincent Auriol et celle du compositeur Déodat de Séverac qui berça les enfances familiales : Ma poupée chérie ne veut pas dormir… »

            Trois anecdotes me reviennent sur ce musicien que mon père en culottes courtes appelait « Moussu Déodat » :

            La gloire de mon oncle Élie fut une invitation à dîner (ou à « souper », comme on dit plus au sud) de la part de Séverac, lors de son unique séjour à Paris, où le jeune homme était l’élève de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum ;

            Georges Feydeau, habitué des réceptions au château de Séverac, s’y présenta un jour sans sa femme. Il ne savait probablement pas que « fedo », dans la langue dite à présent occitane désigne la femelle du bélier et il a donc dû être un peu intrigué lorsque le majordome campagnard lui a gentiment demandé, en une réplique digne de son théâtre : « Vous n’avez pas amené ce soir madame Brebis ? »

            Enfin, au temps où je travaillais dans un magasin de musique parisien pour financer mes études, un client vint y chercher des œuvres d’un compositeur dont le nom ne me dirait sans doute rien : Déodat de Séverac… Ma réponse fut, comme vous l’imaginez : « Si je n’en connaissais qu’un, ce serait celui-là ! »

 

 

            Tout cela me prédisposait donc à aimer les mélodies des diverses régions. Restant sur ma méthode, je dégagerai de même trois noms de folkloristes et compositeurs vers lesquels vont mes préférences. Joseph Canteloube, pour le centre de la France et toutes ses provinces, Jean Poueigh, plus spécifiquement pyrénéen, et surtout, sa discrétion et sa modestie dussent-elles en souffrir, Georges Hacquard, alias « mestre Jordi » dans les cercles orphéoniques du Midi, par ses œuvres juvéniles (elles le sont toujours par leur fraîcheur) à la belle Messa occitana, inspirée d’airs populaires, souvent chantée à la félibrée de Sceaux et fort justement couronnée de la Coupe du Félibrige, en passant par les chansons à deux voix écrites avec son conscrit et complice du « grenier » toulousain, Charles Mouly. Je ne peux malheureusement avoir l’assiduité souhaitée aux répétitions de sa chorale L’Ensolelhada, mais j’ai souvent ce refrain entraînant (sur des paroles du félibre Frédéric Cayrou) qui me trotte dans la tête : « Ten-te, Mary, qu’anan trouta ! »

            Je laisserai les derniers mots à trois compagnons de route : Vladimir Jankélévitch, mon maître à penser, maître à vivre, maître enchanteur (j’insiste sur la première syllabe !), puisqu’il était, entre autres musicologue, mélomane et remarquable musicien : « Ne manquez pas votre unique matinée de printemps. » ; Bernard Blancotte, qu’il n’est pas besoin de présenter céans puisqu’il fut l’un des fondateurs de l’Académie, dans son poème Montagne Noire :

Montagne Noire, champs et chemins par les chardons sectionnés,

Toute ma terre,

Chaleur enfermée dans les grès,

Je vous entends,

Je suis présent dans votre absence.

 

… et Claude Nougaro pour conclure : « O moun pays, o Toulouso, Toulouso ! »

            En vous priant tous d’excuser mes propos tirés par les cheveux (« capillotractés », selon le néologisme d’un collègue), je dis ma reconnaissance à Simone Tauziède, ma gratitude aux confrères et à l’assistance pour leur silencieuse patience, leur attention soutenue, et à chacun en particulier pour son réconfortant soutien. »

 

Installation de M. Pierre de Panafieu.

 

Présentation par le général Christian Audebaud.

 

 

« Monsieur le Président, mesdames, messieurs, C’est pour moi un grand honneur que d’accueillir ce soir en notre compagnie une personnalité aussi éminente que celle de M. Pierre de Panafieu. Un honneur ? mais aussi un plaisir, car j’ai pu constater, lors de nos récents entretiens, combien nous avions, sur bien des sujets, les mêmes idées et les mêmes convictions.

Mais avant d’y revenir dans quelques instants, permettez-moi, chers confrères et chères consœurs, de vous présenter le parcours en tous points exemplaire du nouvel académicien.

Monsieur le Directeur, cher ami Pierre de Panafieu, vous êtes né à Paris, dans le XVe arrondissement, au sein d’une famille fixée de longue date dans la capitale, mais qui a tenu à conserver ses racines en province. Vos ancêtres sont en effet originaires de deux régions, bien éloignées l’une de l’autre, la Normandie et le Languedoc, et dans chacune de ces deux régions votre famille possède toujours la vieille et noble demeure de vos aïeux. Vous avez donc, cher ami – et vous comprenez combien ici nous y sommes sensibles – des origines méridionales, et je sais tout l’intérêt et l’amour que vous portez à votre propriété de Montrozier, ce charmant petit village du pays rouergat, situé à une quarantaine de kilomètres de Rodez, où, joyeusement, toute votre famille se retrouve chaque été pour passer ses vacances. Une manière aussi de conserver vivant le souvenir de votre arrière-grand-mère, qui était jadis la maîtresse de ce vaste domaine.  

Vous avez effectué le cycle complet de vos études à l’École alsacienne, cette prestigieuse institution européenne, dont Georges Hacquard, mon cher confrère et secrétaire général ici présent, était alors le directeur, études couronnées par l’obtention avec mention du baccalauréat. Abordant alors l’enseignement supérieur, vous avez préparé, comme candidat libre, l’École normale supérieure de Saint-Cloud et obtenu la sous-admissibilité. Mais c’est à l’université proprement dite que vous allez poursuivre vos études, dans ces disciplines qui, depuis votre adolescence, n’ont cessé de vous attirer : l’histoire et la géographie.

J’en avais moi-même rêvé avant de me lancer dans la carrière militaire. L’histoire me passionnait et j’y consacrais de longues soirées de lecture. Et, bien entendu, je n’ai pas perdu de temps pour la retrouver dès mon admission à la retraite ! D’ailleurs, si l’on élargit le débat, l’histoire n’est-elle pas un des piliers essentiels de la connaissance et de la culture humaine ? Si l’on voit encore plus loin, n’est-elle pas aujourd’hui d’une importance capitale, pour la construction de l’Europe et l’accomplissement de nouveaux progrès ?

Mais laissons là cette digression et revenons à vos études supérieures. J’ai personnellement été frappé par le fait qu’elles ont été menées avec une continuité remarquable, qui traduit chez l’étudiant un besoin inné d’apprendre, d’approfondir sans cesse ses connaissances.

De 1980 à 1988, chaque année a vu votre réussite aux examens et concours auxquels vous vous présentez. Sans vouloir être exhaustif, je citerai les principaux succès que vous avez remportés : en 1981, la licence d’histoire à Paris I et la licence de lettres modernes à Paris IV ; en 1982, la maîtrise d’histoire, toujours à Paris I, à l’occasion de laquelle, en quête comme toujours d’excellence, vous décrochez la mention Très Bien ; poussant plus loin, vous avez en 1986 été admis aux épreuves théoriques du CAPES d’histoire et géographie et, deux ans plus tard, aux épreuve pratiques de ce même concours. Ce parcours sans faute méritait bien sûr d’obtenir son couronnement : ce dernier interviendra dès 1988 par votre brillante admission à l’agrégation d’histoire.

Entre-temps vous avez rencontré celle qui devait partager votre vie et l’on peut dire que le mariage qui a scellé votre union vous a, pour votre grand bonheur, profondément imprégné de culture artistique, vous a, ajouterai-je, littéralement plongé dans le monde des Arts. Je rappellerai simplement que Mme Pierre de Panafieu est la fille du grand peintre Albert Bitran, et la petite-fille du célèbre et combien attachant artiste que fut Fernand Ledoux. Je saisis cette occasion pour vous demander de bien vouloir adresser à Mme de Panafieu, qui, par suite d’un voyage professionnel, n’a pu à son grand regret se joindre à nous, nos bien respectueux hommage et nos meilleurs vœux de bonheur et de réussite pour vos chers enfants.

            Quant à votre cursus exemplaire, il ne pouvait conduire, on le devine aisément, qu’à l’exercice de l’enseignement, cette noble fonction au service de la formation et de l’éducation de notre jeunesse. Oui, votre vocation était là : rendre à ces nouvelles générations ce que vous avez appris et continué d’apprendre. Et ce n’est pas un de vos moindres mérites que d’avoir, à l’âge de vingt ans, professé ces deux importantes matières dans un cours privé parisien. Ce n’était d’ailleurs qu’un début ! Car, pendant vos neuf années d’études universitaires, vous n’avez cessé d’exercer le métier d’enseignant et cela dans des établissements publics ou privés de haut niveau et de grand renom. Je ne saurais cependant, à moins d’y consacrer un trop long temps, donner la liste complète des postes que vous avez occupés au cours de cette période. Je citerai cependant : en 1982-83, suppléance dans six établissements privés sous contrat avec l’État dans Paris et sa banlieue ; en 1984-85, professeur d’histoire et géographie au lycée Saint-Michel-de-Picpus à Paris ; de 1986 à 1989, professeur d’histoire et géographie à l’École alsacienne.

Arrêtons-nous un instant. Ce poste marque le retour de notre ami dans l’établissement de sa jeunesse, où il a fait ses humanités et auquel il s’attachera avec une véritable passion et quel dévouement ! pour la suite de sa carrière.

Notons encore que, de 1988 à 1990 – il y a donc vingt ans – vous avez, comme assistant à l’I.S.P (Institut supérieur de Pédagogie à l’Institut catholique – été chargé d’animer des stages d’initiation à l’utilisation de ce précieux outil pédagogique que constitue l’informatique en histoire et en géographie. Vous avez par ailleurs été nommé maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, pour traiter en deuxième année un sujet d’une brûlante actualité : chercher et définir les grandes lignes de partage du monde contemporain. C’est à Sciences Po également que vous avez professé l’histoire en première année.

 

 

4

 

L’année 1990 marque un tournant important dans votre vie professionnelle. Sans pour autant arrêter certaines activités pédagogiques, vous passez du côté de l’administration et êtes nommé directeur du Grand Collège, censeur des études, sous-directeur de l’École alsacienne, poste délicat, où les responsabilités à l’égard notamment des grands élèves sont nettement accrues. N’en déplaise, vous y réussissez pleinement. Si bien que, l’année suivante, vous êtes porté à la tête de l’institution, vous devenez le directeur de l’École alsacienne.

            Je parlais il y a un instant de la responsabilité du censeur des études ; que dire alors de celle du directeur, qui a sous son autorité l’ensemble de l’établissement, école primaire, collège, lycée, soit un effectif de plus de 1600 élèves, sans parler des service administratifs et financiers et des multiples problèmes à résoudre au quotidien !

            Nous pouvons dire aujourd’hui, avec un recul de huit années, que l’École alsacienne a, sous votre houlette, continué à former dans les conditions optimales une jeunesse éprise de connaissances et de culture, des hommes et des femmes qui, dans leur diversité, auront la responsabilité de constituer les cadres de demain, bénéficiant pleinement des valeurs que vous-même et votre équipe si dévouée avez su leur inculquer.

            Aurais-je tout dit à votre sujet ? Non sans doute, car je devrais parler de la classe d’histoire que vous avez occupée au Middlebury College en Vermont, devant un auditoire d’étudiants et d’adultes, originaires pour la plupart d’Outre-Atlantique et désireux s’apprendre l’histoire de notre peuple. Parler aussi des savantes et minutieuses fonctions que, hors enseignement, vous avez exercées en 1989-90 comme éditeur assistant aux éditions Hachette, dans le département « littérature générale », plus précisément dans la célèbre collection « La Vie quotidienne », ainsi que du rôle de tout premier plan que vous avez joué, toujours chez Hachette, dans l’édition de la Géographie universelle.

            Monsieur le Directeur et cher ami, j’arrête là la déclinaison déjà fort longue de vos mérites et des valeurs qui guident votre vie. De telles qualités font que nous sommes fiers et particulièrement honorés de vous compter parmi les membres de notre Académie. C’est pourquoi je vous confie à Mme la Présidente et à M. le Secrétaire perpétuel pour qu’ils veuillent bien vous installer au fauteuil n° 19 et vous faire subir, corollaire indispensable, en tant qu’académicien, l’épreuve traditionnelle de l’adoubement. »

 

Réponse de M. Pierre de Panafieu.

 

« Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire perpétuel, chers collègues, chers amis. Le portrait que le général Audebaud a dressé de moi est trop flatteur pour être totalement exact, et je le remercie pour sa bienveillance.

Comme beaucoup ici, j'ai plaisir à dire toute ma reconnaissance à Georges Hacquard. Il a joué un rôle capital dans ma vie au moins à trois reprises, en m'accueillant comme élève à l'École alsacienne en 1971, en m'y nommant professeur en 1986 et en me soutenant vigoureusement au moment où j'entrais au censorat de notre chère École. Il me fait aujourd'hui l'honneur de m'accueillir dans cette Académie.

En remontant dans ma généalogie, les attaches qui me lient au Languedoc sont nombreuses, on y trouve un président du parlement de Toulouse, un lieutenant général du Languedoc, un fermier général des fermes du Languedoc, un doyen des universités de Montpellier, et même Riquet de Caraman, l'homme du canal du Midi…

Mais si j'ai accepté de grand cœur son invitation – chacun sait ici que l'on ne peut rien refuser à Georges Hacquard – c'est par amour pour un pays rude et attachant, le Rouergue. Mon arrière grand-mère, Marie Colrat, est née au château de Montrozier, dans l'Aveyron, ancien relais de chasse des comtes de Toulouse. Son mari, Maurice Fenaille, a été un des grands bienfaiteurs de ce pays.

Jugez-en plutôt. Il a fondé une école agronomique pour que les jeunes Aveyronnais apprennent les techniques d'élevage, de culture et de transformation des produits agricoles les plus modernes. Il a créé une fabrique de tapis, où les jeunes filles du pays pouvaient gagner de quoi se constituer une dot. Les tapis de Zénières étaient de grande qualité et reprenaient les cartons des tapisseries des Gobelins. Il a reconstruit intégralement le château de Montal, dans le Lot, qui avait été démembré par deux ventes successives et il a aidé la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron en lui donnant l'hôtel particulier qui abrite, après d'importants travaux, le musée Fenaille à Rodez.

Mais mon attachement personnel à ce Rouergue tient à l'année que j'y ai passée en convalescence d'une grave maladie. La chaleur de l'école des sœurs, la gentillesse des habitants pour ce petit Parisien souffreteux, l'observation de la vie ordinaire de ces agriculteurs m'ont profondément et durablement marqué. C'est pourquoi je vous remercie du fond du cœur pour la joie et l'honneur que vous me faites en m'accueillant dans votre prestigieuse compagnie.

Debout, de gauche à droite : Bruno Bonhoure, Didier Paul, Françoise Auricoste, Pierre de Panafieu, Gérard Brignol, Paulette Decraene, Pascal Hammel. – Assis : Edmond Jouve, Simone Tauziède.

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LETTRE DE LA PRÉSIDENTE

A M. GÉRARD LARCHER, PRÉSIDENT DU SÉNAT

 

 

Paris, le 16 octobre 2008

 

Monsieur le Président,

 

J’ai l’honneur de vous exprimer nos respectueuses félicitations pour votre élection à la présidence du Sénat ainsi que nos vœux.

 

Notre Académie a eu à plusieurs reprises et a souvent l’occasion de se réunir dans les salons et les salles de conférences du palais du Luxembourg, où nous retrouvons des sénateurs membres de notre compagnie.

Au nom de tous nos confrères languedociens, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments choisis.

 

Simone Tauziède

 

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NOUVELLES DES ACADÉMICIENS

 

 

PIERRE MIRAT NOUS A QUITTÉS

 

 

Jean Bousquet disait de lui qu’il était « l’enfant du Sud-Ouest ». Fils d’un Lotois et d’une Corrézienne, Pierre Mirat, né à Montauban, avait suivi ses parents à Toulouse à l’âge de six mois.

Vingt-cinq années passées à Toulouse l’avaient profondément marqué : la première communion à Saint-Aubin, des années à Berthelot, les cadets de Saint-Étienne, le Stade toulousain (athlétisme) et, après le brevet supérieur, le conservatoire. Et surtout, pendant dix ans, le Grenier de Toulouse de Maurice Sarrazin, avec toute l’équipe des pionniers.

Puis c’est le départ pour Paris, où il débute au théâtre Sarah-Bernhardt dans le rôle de Ragueneau de Cyrano, dans la mise en scène de Raymond Rouleau, aux côtés de Pierre Dux, de Françoise Christophe, de Michel Herbault… Il se produira ainsi de théâtre en théâtre (une douzaine), également en tournées (Baret et Karsenty), parfois dans des opérettes. Et à la télévision, où on le remarquera dans des feuilletons (Le Temps des copains, Foncouverte…) et dans une quarantaine de dramatiques.

 Il restera dans les mémoires quand, pendant une douzaine d’années on l’entendra pousser son cri : « A quoi ça sert que Ducrot y se décarcasse ! » Nous savons qu’il n’aimait pas trop qu’on lui rappelle ce souvenir ; il préférait qu’on se souvienne de lui dans Molière, Shakespeare, Giraudoux, ou Feydeau…

Si le Grenier était l’orgueil de sa jeunesse, il était aussi très fier d’avoir en 1961 fondé avec Simone Tauziède l’association « Les Toulousains de Paris », L’Académie, où il était entré dès sa création, l’avait chargé de l’organisation du Prix Daniel-Sorano (jury et remise du Prix à l’Hôtel de Ville de Paris).

Malade, on peut dire qu’il s’était retiré de la vie. Tous ceux qui l’ont connu, et donc apprécié et aimé, conservent sa mémoire, celle d’un homme de talent, bon vivant, simple, sur qui l’on savoir pouvoir compter.

 


DISTINCTION

 

Nous avons appris, au titre de la promotion du 14 juillet 2008, l’attribution de la Médaille d’argent de la Jeunesse et des Sports à Madame Suzanne Odin, titulaire du fauteuil académique n°50, trésorière-dispensatrice de l’Académie. Cette distinction récompense, suivant l’expression de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et de la Vie associative, « les excellents services rendus dans le domaine de l’éducation populaire au sein du Club audiovisuel de Paris. »

Nous nous réjouissons de cette décision qui honore une amie, dont on ne sait si l’on doit plus la remercier pour sa disponibilité ou pour son efficacité. Nous lui adressons nos plus chaleureux compliments.

 

 

PUBLICATIONS

 

Christian Audebaud : Le général de division Dugua, de l’Égypte à Saint-Domingue

Ancien contrôleur général des Armées, Christian Audebaud profite de sa retraite pour s’adonner à sa passion pour l’histoire et pour enrichir nos connaissances sur la période Révolution-Empire, sur laquelle il a publié plusieurs études et articles et deux importantes biographies ; la première, consacrée au général baron Pelet-Clozeau, La science et la gloire, ayant été couronnée par l’Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc avant l’élection de Christian Audebaud au 35e fauteuil.

Le général Dugua dont il nous conte la vie intrépide, fut d’abord, en 1760, cadet au prestigieux régiment de Bourbon-Infanterie, où il sera rapidement nommé lieutenant. Mais dix-sept ans vont passer. Profondément déçu de ne pas se voir promu capitaine, il démissionne. On le retrouvera, comme propriétaire terrien, à Cépet, près de Toulouse. Il passera là quatorze ans de vie retirée. Or, voici la Révolution. Il se passionne pour les idées nouvelles et, dès sa création en 1790, il s’engage dans la Garde nationale. Il deviendra à Toulouse un membre actif de la Société des Amis de la Constitution. Le voilà bientôt lieutenant dans la gendarmerie nationale. Et cette fois l’ascension sera rapide. Élu colonel par ses pairs, puis général par les représentants du peuple, il va être happé par le tourbillon des guerres de la Convention, du Directoire et des premières années du Consulat : siège de Toulon, guerre d’Italie, campagne d’Égypte. Il se révèle un prodigieux meneur d’hommes, habile tacticien et grand administrateur. Tous les commandants en chef sous lesquels il a servi (Dugommier, Pérignon, Hoche, Kléber, Leclerc, et surtout Bonaparte, qu’il a toujours soutenu et admiré) se louent de sa collaboration. Nommé chef d’état-major du général Leclerc, commandant du corps expéditionnaire à Saint-Domingue, il débarque dans une île dévastée. Blessé, il n’en prend pas moins une part active au redressement de la situation et à la réorganisation de l’île. Victime de la fièvre jaune, ce grand soldat, patriote exemplaire, mourra à Saint-Domingue à cinquante-huit ans (1802). Un très beau livre. Préfacé par M. Claude-Napoléon baron de Méneval, ancien président du Souvenir napoléonien.

 

Le général de division Dugua, 350 pages, éditions S.P.M. 2007, prix : 30 €

 

Odette Lang : Au long des jours…

C’est un beau livre de poésie que vient de publier notre consœur Odette Lang, plusieurs fois lauréate de la Société des Poètes français. Il est grand temps d’attirer l’attention sur des pages, souvent alertes, remplies de tendresse, d’imprévu et même de sagesse. Ces poèmes sont regroupés autour de plusieurs thèmes : Soleils et Brumes (Prix de la Fondation Brigitte Level), Dièses et Bémols (Prix de la Fondation Jacqueline Mompezat), Lorsque descend le soir (Prix de la Fondation Jean Berna). Un long parcours, qui l’a conduite de sa Bretagne natale en Afrique et plus tard en Europe centrale, a inspiré des textes reproduits dans son ouvrage. Au-delà de ces souvenirs apparaît presque à chaque page la présence de l’être aimé à qui est également dédié cet ouvrage.

Pour toi, voici des fleurs, des feuilles et des branches…

Et puis ces chants glanés au cours du long chemin.

Lisez Au long des jours. Dans un monde tourmenté et féroce, ce livre nous propose une halte bienfaisante et une raison nouvelle de croire en l’Homme.

 

Odette Lang.- Au long des jours, Poésiades, Rennes, imprimerie Denis, 2007.

 

Charles Mouly : Adissiatz pla, brave mounde !

Notre vice-président Charles Mouly, toujours jeune mais sage, a résolu, après plus de cinquante ans vécus dans l’espace turbulent de Minjecèbes, de prendre, avec ses enfants Catinou et Jacouti, un peu de recul et peut-être aussi de repos. Il dit à nous tous, ses millions d’auditeurs et de lecteurs, reprenant l’au revoir inoubliable de Dominique et des Pescofis à la radio toulousaine : Adissiatz pla, brave mounde !  

L’extraordinaire popularité de ses personnages aura marqué une époque, en perpétuant la tradition de la bonne humeur occitane. Le récent ouvrage de Charles Mouly – le dernier, affirme-t-il ( !) – a l’originalité d’être composé uniquement de dessins et de légendes, dont il est l’auteur. Nous aurons ainsi la chance de pouvoir conserver avec nous et tout près de nous l’image de ce couple haut en couleur, dont la verve et l’enjouement continueront longtemps de secouer notre Midi d’un éclat de rire qui fait du bien.

 

Catinou et Jacouti : Adissiatz pla, brave mounde ! ouvrage cartonné 100 pages, éditions du Raffut (18 rue des Cosmonautes , 31400 Toulouse), prix : 38, 90 €.

 

 

Ouverture à Saint-Lys d’un centre de ressources occitanes.

 

C’est à Saint-Lys (Haute-Garonne), la pays de Catinou (Menjecèbos est un hameau de ce chef-lieu de canton, où tous les ans en octobre se tient une joyeuse fête régionale) qu’a été créé en avril dernier un centre de ressources occitanes, dû au dépôt par Charles Mouly de la montagne d’archives, livres et documents accumulés par lui-même et son père, le félibre Henri Mouly, tout au long du siècle dernier.        

L’intégralité des œuvres de Charles et Henri Mouly, leurs manuscrits (articles, discours et conférences, poésies, chansons, pièces de théâtre, dessins…), des revues anciennes, des coupures de presse, une anthologie de la chanson occitane, des notes sur les traditions, le dialectes… ont trouvé place au premier étage de la médiathèque, dans une salle spécialement aménagée pour en permettre la consultation par le grand public et les chercheurs.

Saint-Lys, qui possède depuis 2002 une classe maternelle publique bilingue français-occitan, et s’ouvre ainsi plus encore à la culture occitane, est assurée du soutien financier de la direction régionale de la culture.   

 

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XVIe Rencontres internationales francophones

du Pays de Quercy

29-31 août 2008

Gourdon, Soulomès, Roc-Amadour, Nadaillac-de-Rouge
Invitée d’honneur : la Tunisie

 

Occitanie et Francophonie

La manifestation « Occitanie et Francophonie », organisée par l’association Francophonie en Quercy présidée par le professeur Edmond Jouve, bénéficiait du concours de l’Association des membres des palmes académiques (AMOPA), section du Lot, et de l’Académie des arts, lettres et sciences de Languedoc

Le vendredi 29 août après-midi, le président ouvrait ces Rencontres à Gourdon, en présence des représentants de la municipalité, de l’État, du conseil régional, de l’AMOPA et de l’académie de Languedoc. Étaient invités d’honneur les membres de la délégation tunisienne, dont le drapeau, à côté du drapeau français, ornait l’estrade, avec le regret de l’absence de M. Ben Turkia, président de ’université de Tunis, qui n’avait pu quitter la Tunisie.

            Après les paroles de bienvenue des officiels, les responsables de l’organisation présentèrent chacun leurs associations (cf. plus loin la présentation de l’Académie par le secrétaire général Georges Hacquard).  L’après-midi se termina sur un exposé de M. Patrick Delmas, majoral du Félibrige, qui détailla les péripéties de l’attribution du prix Nobel à Frédéric Mistral en 1904. En soirée, l’excellent film L’Occitanienne, le dernier amour de Chateaubriand fit revivre la rencontre à Cauterets entre l’écrivain et la jeune et romanesque Léontine de Villeneuve.

C’est à Soulomès que les participants se retrouvèrent le lendemain matin, dans la salle des fêtes où figurait une exposition de photos en hommage au comédien et metteur en scène Jean Deschamps, membre de l’Académie récemment disparu. Mme Jean Deschamps et sa fille Sophie honoraient l’exposition de leur présence.

M. Paul Blanc, ambassadeur, dressa une carte de l’Occitanie en synthétisant brillamment les notions géographiques, historiques et linguistiques, tandis que M. Philippe de Saint-Robert, ancien commissaire à la langue française, évoquait le nouveau statut des langues régionales, la place de l’occitan et le soutien du français sur l’espace français. L’écrivain Albert Memmi nous entretint de sa réflexion personnelle sur la conciliation entre les singularités humaines et l’universalisme. Mme Marie Rouanet déroula plaisamment le fil d’un roman médiéval occitan de 8000 vers, racontant les amours de la belle Flamenca et de Guilhem, au rythme d’un savoureux langage. M. Paul de Saint-Palais évoqua la correspondance instructive échangée entre les Tarnaises Eugénie de Guérin et Louise de Bayne de Rayssac. Enfin, la prodigieuse aventure de Catinou et Jacouti, dont l’authenticité et le pittoresque garantirent un succès populaire et durable, tant à la radio qu’à la Dépêche du Midi, fut joyeusement contée par leur père Charles Mouly.

Après le déjeuner, Mme Jeanne-Luce Marcouly se fit le guide enthousiaste de la visite de son village de Soulomès, particulièrement de la Commanderie et de l’église. Et c’est à Soulomès qu’elle consacrera sa communication. De son côté, M. Pierre Martial allait évoquer le récit d’un certain Journiac, rédigé en occitan en 1792 à la prison de Saint Germain.

Ce fut enfin l’importante intervention, dans une langue de grande qualité, des représentants de la Tunisie, invitée d’honneur. M. Ahmed Ladibi, doyen à l’université de Tunis, exposa la place de la notion de dignité dans différentes constitutions francophones. M. Abdelatif traita des techniques bancaires résultant de la coopération entre une banque française et une banque tunisienne et M. Aznaïde énuméra ses interrogations de parcours de francophone marqué par l’école française, en menant une réflexion sur la notion de laïcité et l’avenir des relations mutuelles.

Tout au long de la journée était installé un stand de presse avec dédicaces de livres.

La soirée se termina par une passionnante visite des lieux saints de Roc-Amadour, sous la conduite de M. le Recteur des pèlerinages, suivie d’un dîner, en présence, notamment, de Mgr Norbert Turini, évêque de Cahors, qui fêtait son anniversaire !

Le lendemain, à Nadaillac-de-Rouge, après la messe célébrée en occitan et en musique, avec le concours de musiciens de l’École de musique de Gourdon et du hauboïste Laurent Hacquard, une plaque fut apposée sur l’ancien presbytère, en hommage à l’abbé Brugié, qui fut curé de La Mothe-Fénelon avant la Révolution. Edmond Jouve nous régala d’une conférence sur un « divertissement » écrit par cet abbé Brugié, « Bonne gorge et gueule fraîche », traitant d’une querelle plaisante sur un repas escompté par deux pauvres prêtres des environs.

Les XVIe Rencontres se sont conclues, non sans remercier et féliciter chaleureusement les personnes qui avaient aidé à l’organisation, par un repas campagnard à Cassagnes dans la bonne humeur et l’amitié.

 

Geneviève Guitard

 

 

PRÉSENTATION DE L’ACADÉMIE
par le Secrétaire général
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            Je ne sais pas si c’est une bonne idée de demander à quelqu’un de parler d’une chose dont il est totalement partie prenante. Comment pourrait-il être objectif ? C’est peut-être un respectueux reproche que je me permettrai de faire à notre éminent et chaleureux secrétaire perpétuel Edmond Jouve de m’avoir chargé de présenter l’Académie, alors qu’il sait les satisfactions qu’elle me donne et dont je ne puis que la louer. Aussi attendez-vous, ….

Madame le Maire, Monsieur le Préfet, Monsieur le Conseiller régional, Monsieur le Doyen et Messieurs les membres de l’université de Tunis, Madame la Présidente de section de l’AMOPA, mesdames, messieurs, chers amis, …........ attendez-vous à ce que je ne vous dise que du bien de notre Académie de Arts, Lettres et Sciences de Languedoc.

            Et je veux déclarer d’abord qu’elle est fondée sur l’amitié. C’est certes, comme on dit, une société savante, mais tellement humaine et humaniste, où l’on est heureux d’échanger, de débattre, de cultiver le Beau, le Bon et le Vrai, et le Drôle. Elle a été fondée en 1964, notamment par Simone Tauziède, que nous nous félicitons de réélire année après année comme active et souriante présidente.

            La quarantaine lui va bien, à notre Académie. Elle est solide et raisonnable, sous sa forme d’association sans but lucratif, échappant, comme le prescrit la loi de 1901, aux divisions malsaines de caractère politique ou confessionnel. Elle s’est donné pour objectifs de maintenir parmi ses membres, languedociens de souche ou de résidence, les traditions occitanes, de favoriser la sauvegarde de ces traditions et de servir dans tous les domaines, artistique, littéraire, scientifique, économique, social, les intérêts du grand Languedoc, qui s’étend du Rhône à la Gascogne, du Massif central à la Méditerranée et aux Pyrénées.

            Les fondateurs ont voulu qu’elle représente un lien, un lien permanent, en quelque sorte fédérateur, entre la capitale et les terres d’oc. Aussi, le siège social de l’Académie est-il nécessairement fixé à Paris. Chaque année, le maire de Toulouse, qui ne manque jamais d’offrir ses vœux aux Toulousains de Paris, n’oublie pas de rendre hommage à l’Académie ; c’est d’ailleurs Mme Simone Tauziède, présidente de l’Académie mais aussi de l’association « Toulouse à Paris », qui a la charge sympathique de répondre à ses vœux.

            Bien entendu, les actions de l’Académie sont variées. Vous assistez à l’une d’elles. Elle participe régulièrement à ces colloques régionaux, elle organise des célébrations, elle prépare des expositions. Toulouse se souvient de la journée d’hommage que nous avons consacrée à Daniel Sorano pour les quarante ans de sa disparition. Vous visiterez demain l’exposition que nous dédions à notre confrère Jean Deschamps, fils du Lot, dont nous pleurons le départ. Après avoir connu la consécration, comme Sorano, au TNP de Jean Vilar puis à la Comédie-Française, il avait créé le Théâtre du Midi et le festival de Carcassonne, et son nom a été récemment donné au théâtre de la Cité.

            Les membres de l’Académie sont toujours prêts à publier des textes et à prononcer des conférences. Nous allons avoir ainsi le plaisir d’entendre la causerie de notre confrère Philippe de Saint-Robert et c’est une de ses protégées littéraires, « l’Occitanienne » de Chateaubriand, qui sera la vedette du film auquel nous assisterons ce soir. Demain, nous écouterons notre vice-président Charles Mouly, qui a été mon cher camarade de khâgne au lycée de Toulouse, grand reporter à La Dépêche, qui nous parlera de son enfant, la truculente Catinou de Minjecèbes. Nous serons heureux de suivre les propos toujours poétiques de la romancière Marie Rouanet et nous accompagnerons notre consœur Jeanne-Luce Marcouly dans la présentation de son village de Soulomès.   

            Occasionnellement nous faisons paraître des Mélanges et, trois fois par an, un bulletin, Les Cahiers de l’Académie, qui rend compte des activités de chacun, de nos séances publiques de printemps et d’automne, tenues au palais du Luxembourg, et des réunions bimestrielles tenues au Centre des Provinces françaises, notre siège social.

            Enfin, l’Académie s’est fixé le passionnant devoir de saluer les organismes et les personnalités qui font honneur à la région par leurs travaux, leur courage et leurs talents. Aussi attribuons-nous des Prix. Les plus hautes récompenses sont celles décernées sur titre, le Prix Croix-de-Saint-Gilles et le Prix Clémence-Isaure. Nous avons ainsi rendu hommage au professeur Louis Lareng, fondateur du SAMU, au peintre Raymond Moretti, qui a fait vivre de ses couleurs franches le plafond des arcades de la place du Capitole à Toulouse et au Maître Michel Plasson, alors chef internationalement admiré de l’orchestre du Capitole.

            Chaque année, l’Académie attribue des Prix scientifiques et des Prix littéraires. La proclamation a lieu au cours de nos deux séances publiques dans les salons du palais du Luxembourg. Vous pouvez demander des invitations.

            Les Prix scientifiques couronnent des chercheurs qui, avec exigence et excellence, ont fait progresser la connaissance dans leur domaine, et également des étudiants qui se sont montrés particulièrement brillants et responsables dans leurs études. Des bourses leur sont offertes par de généreux organismes.

            Les Prix littéraires récompensent des auteurs de romans, d’essais ou de poèmes. A côté de noms connus, ceux de François Bayrou pour Henri IV, Marcel Amont pour Les plus belles chansons de Gascogne, Marie Rouanet (qui nous a depuis rejoints à l’Académie) pour Luxueuse austérité, ou Paulette Decraene pour son Secrétariat particulier auprès du président Mitterrand ; à côté de ces noms figurent des auteurs dont nous pensons qu’ils méritent de se faire mieux connaître.

            Mais nos Prix attirent également l’attention sur des initiatives courageuses, des initiatives mettant en œuvre beaucoup de temps et de capitaux, comme par exemple cette magistrale édition de la Correspondance d’Eugénie de Guérin, que nous devons à l’association les Amis des Guérin, présidée par notre confrère Paul de Saint-Palais.

            Terminant sur les Prix littéraires de l’Académie, permettez-moi, de signaler que le concours pour l’an prochain est ouvert. Jusqu’au 10 mai 2009. N’hésitez pas à nous faire envoyer des candidatures. Les ouvrages doivent avoir été édités en 2008 ou 2009.

            Vous trouverez tous les renseignements que vous pouvez souhaiter sur le site internet de l’Académie, dont l’adresse est la suivante (tout en minuscules sans espace) :

 

http://acad.languedoc.free.fr/

 

Merci, mesdames, messieurs, de votre amicale attention.

 

Georges Hacquard.

 

       L’Académie était représentée aux Rencontres par son secrétaire perpétuel, Edmond Jouve, son vice-président Charles Mouly, son secrétaire général, Georges Hacquard, sa dispensatrice, Suzanne Odin, et Mmes Marie Rouanet, Jeanne-Luce Marcouly, MM. Paul de Saint-Palais et Philippe de Saint-Robert.