M. André Allisy

Académie des arts, lettres et sciences de Languedoc, Fauteuil n°30.

 

Présentation par M. le Pr. Gui Portal.

L’Académie a l’honneur de recevoir aujourd’hui dans ses rangs pour occuper le fauteuil 30, une personnalité qu’elle connaît fort bien car elle lui avait attribué la médaille Becquerel lors de la cérémonie de remise des prix, dans cette même salle, en décembre 1998.
Depuis, elle n’a cessé de nous soutenir par sa présence à chaque cérémonie d’attribution des prix.
Je me permettrai de rappeler ici les raisons pour les quelle nous l’avions choisie en rappelant sa carrière et nos contacts. 
Né à Brunstatt, dans le Haut Rhin en 1924, il entra  en 1945 au service de recherche du professeur Yves Rocard, au laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure
En 1950, jeune chercheur, pour faire face à la montée rapide de l’utilisation de toutes sources d’irradiation dans l’industrie nucléaire et dans les hôpitaux, Il créa les étalons français d’exposition destinés à la radiothérapie et à la radioprotection, ouvrant ainsi largement la porte au traitement des cancers et participant aux succès rencontrés en France dans ces deux disciplines.
En 1960, il entama une carrière au Bureau International des Poids et Mesures (BIPM) où il créa la section rayonnement ionisants qu’il dirigera jusqu’en 1989.
Nommé professeur au CNAM en 1967, il participa à la création de l’Institut National de Métrologie, organisme responsable des étalons de longueurs, de masse, de température et de radiométrie.
C’est alors que nous nous rencontrâmes une première fois car, alors ingénieur au CEA et chargé de développer les techniques de mesure des rayonnements, je ressentais la nécessité de disposer d’étalons précis. Mon ami et collègue, le professeur Jean Chavaudra de l’Institut Gustave Roussy, m’orienta vers lui. Je puis affirmer aujourd’hui qu’il nous a tous deux assistés efficacement et que c’est à lui que nous devons la réussite dans nos deux disciplines. 
De 1965 à 1971, il fut chargé de donner des cours de dosimétrie à l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN), Il forma les Physiciens Médicaux et les ingénieurs du nucléaire. Il les initia à la métrologie des rayonnements ionisants et les sensibilisa à la rigueur d’une discipline complexe qui sera à l’origine des succès rencontrés dans ces deux domaines.
Nos chemins se croisèrent alors une deuxième fois car, soucieux de bénéficier de son enseignement fort réputé, je tentais de suivre ses cours le plus assidûment possible à l’INSTN en 1965 et je découvris avec étonnement à la fois que j’avais bien des lacunes dans ma formation universitaire et que notre professeur dispensait un enseignement de haute qualité. La différence entre grandeur et unité, justesse et précision et entre bien d’autres termes n’eut alors presque plus de secret pour moi. 
En 1985, il fut nommé président de la Commission Internationale des Unités et Grandeurs Radiologiques (CIUR), instance suprême pour les recommandations en la matière  et dont le siège est à Washington. C’est ainsi qu’un français a été amené à cordonner toutes les recherches internationales dans le domaine de la métrologie des rayonnements.
Ce fut une troisième occasion pour nous rencontrer car, j’étais alors responsable d’un comité international de normalisation et je cherchais désespérément depuis des années à faire reconnaître un concept simplifié de grandeur dont nous avions un besoin impérieux pour la poursuite de la préparation de nos normes. La Commission Européenne nous soutenait mais pas la CIUR. C’est grâce à son intervention que je fus invité à participer aux travaux de la CIUR et qu’une série de recommandations fût publiée. Une fois encore il avait volé à notre secours. 
Notons en passant, qu’en 1989, il fut nommé président du Comité Scientifique de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique), chargé des étalons secondaires.
En 1997, il quitta la présidence « active » de la CIUR et en fût nommé président honoraire.
C’est alors que pour la quatrième fois nos routes allaient se rejoindre. En effet, j’avais créé avec le professeur Jean Paul Buffelan, alors président de notre académie, le prix Becquerel destiné à des personnalités dont la contribution au développement de la Physique médicale avait été déterminante.
Le professeur Jean Chavaudra me rappela le soutien que le Professeur André Allisy avait apporté à la radiothérapie. C’est ainsi, qu’en 1998, l’académie des arts des lettres et des sciences de Languedoc lui attribua le prix Becquerel pour sa participation prépondérante à la lutte contre le cancer.  
Je suis très flatté, cher professeur que vous ayez accepté de rejoindre notre académie. Vous allez, avec le professeur Isabelle Berry, rejoindre le professeur Jean Chavaudra et moi-même au sein du comité d’organisation de nos prix scientifiques.

 

Réponse du Professeur André Allisy.

Monsieur le Président, Madame la Présidente de l’Académie, Monsieur le Secrétaire Perpétuel, chers Confrères, Mesdames, Messieurs, 
J ’aimerais vous dire ma joie, ma fierté et ma reconnaissance d’être membre de l’Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc. Gui Portal a eu la gentillesse de présenter ma candidature en raison des services que j’ai rendus à la communauté scientifique, il s’est associé avec Jean Chavaudra pour me tenir sur les fonts baptismaux de l’Académie, je les en remercie de tout cœur.
Mes relations avec le Languedoc sont déjà très profondes et fondamentales. J’ai en effet l’honneur de faire partie des Chevaliers de la Belle Aude en Languedoc depuis plus de vingt années. Lors de mon installation j’ai promis de boire les bons vins de Languedoc. J’ai tenu parole, je fais régulièrement mes dévotions à St Chinian, mais un des plus anciens crus de cette belle région fit tout pour me séduire et il y réussit parfaitement, notre relation est amicale et durable pour le plus grand plaisir de tous.  
Lorsqu ’en 1950 le professeur Yves Rocard, Directeur du Laboratoire de Physique de l’École Normale Supérieure et Monsieur Jean Massiot m’ont demandé de m’intéresser au problème de la dosimétrie des rayons x, j’étais loin de me douter du rôle fondamental joué dans ce domaine par deux anciens chercheurs du Laboratoire:
- Jean Perrin (1870-1942) Prix Nobel en 1926 pour ses travaux sur les rayons cathodiques et la constante d’Avogadro;
- Paul Villard (1860-1934) qui montra en 1900 que les corps radioactifs émettent aussi des rayons électromagnétiques. Pour les mesurer, Villard inventa la chambre d’ionisation à cavité dont l’utilisation est encore très répandue de nos jours.
Jean Perrin publia sa thèse de doctorat en 1897. Il l’avait préparée au Laboratoire de Physique de l’École Normale Supérieure sous la direction, en particulier, de Jules Violle, un  photométriste célèbre, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers.  
Dans le chapitre de sa thèse « Photométrie des rayons Roentgen » Perrin propose une grandeur physique basée sur l’ionisation de l’air qui joue pour les rayons Roentgen le même rôle que l’éclairement pour les grandeurs visuelles. Il décrit un instrument de mesure de la « quantité de rayons Roentgen » qui préfigure d’une manière saisissante nos étalons nationaux actuels. Il a fallu attendre un quart de siècle les réalisations « métrologiques » des idées que Jean Perrin avait exprimées avec une parfaite clarté. Parmi toutes ces réalisations, la plus fidèle a été mise en œuvre à partir de 1925 par L.S. Taylor, jeune physicien du National Bureau of Standards, Washington. Ce sont les nombreuses publications de L.S. Taylor qui firent ma formation, lorsque j’eus la chance en 1950 de dénicher à la bibliothèque du Laboratoire la collection complète du Journal of Research du NBS.  C’est ainsi que nous avons réalisé, plus d’un demi-siècle après la thèse de Jean Perrin, ce qui allait devenir l’étalon national français. Merci à Gui Portal d’avoir eu la gentillesse de le rappeler.
Lors de ma première réunion de la Commission Internationale des Unités et Mesures de Rayonnements en 1953, j’eus la joie de faire la connaissance de L.S. Taylor qui était alors secrétaire de la Commission. Lui, de son coté, qui était un américain très francophile, fut heureux de rencontrer un français qui connaissait l’ensemble de ses travaux. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’il me considère comme son fils spirituel. Notre amitié ne cessa qu’à sa mort il y a deux ans, à l’âge de 102 ans. Il fut Président de la Commission pendant 13 ans. A son départ en 1969 je fus nommé Vice-Président, puis Président en 1984. Mon amitié avec L.S. Taylor m’a ouvert toutes grandes les portes du  National Bureau of Standards. C’est ainsi que j’ai pu comparer, dès 1956, notre étalon à l’étalon national américain. Le résultat de l’inter-comparaison révéla un accord entre les deux étalons meilleur que 1/1000, ce qui représentait dans ce domaine la précision ultime. J’en suis d’autant plus fier que ce fut une des raisons qui m’a permis de me trouver parmi vous ce soir.